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Yasmina Laaroussi : revenir au jeu, une joie et beaucoup de stress
Équipe féminine
29 février 2020

Yasmina Laaroussi : revenir au jeu, une joie et beaucoup de stress

Pour commencer, est-ce que tu pourrais nous résumer ton parcours footballistique ?

J’ai commencé le foot aux alentours de mes 11 ans. À cette époque, je touchais un peu à tous les sports et, un jour, un ami de ma maman m’a proposé de me mettre au foot, car les filles commençaient à s’y intéresser gentiment. C’était vite vu, soit j’allais jouer à Chêne, soit à Bernex. J’ai finalement atterri à Bernex car c’était plus près de chez mes grands-parents, au cas où un jour ils devaient m’y emmener.
J’ai joué à Bernex jusqu’à mes 20 ans, et puis j’ai finalement décidé de partir à Chêne, pour voir un peu plus haut que la 2e ligue. J’aurais pu changer avant, mais c’était difficile de lâcher les copines avec qui j’avais joué toute ma vie. Je suis finalement arrivée à Chêne et on m’a direct mis avec la LNB. C’était un sacré saut. Finalement, 2 ans plus tard il me semble, Chêne a fusionné avec le Servette et voilà où j’en suis.

 

Donc tu n’as jamais joué dans une équipe avec des garçons, contrairement à beaucoup de tes coéquipières d’aujourd’hui ?

Jamais dans une équipe de garçon, par contre on ne jouait que contre des garçons au départ! Dans les bas niveaux, il n’y avait pas encore d’équipe féminine donc, forcément, on était intégrées au championnat masculin. Plus on vieillissait et plus on jouait à des niveaux élevés, plus il y avait d’équipes féminines, car on sortait de Genève pour jouer. Parfois, on s’entraînait avec des garçons, même si c’était rare. 

Est-ce que tu as l’impression que le cadre pour développer ton football est plus propice entre filles que dans une équipe où tu serais seule parmi les garçons ?

A l’époque non, car le football féminin n’était pas encore assez développé et on ne savait pas comment s’y prendre. Donc difficile de développer des qualités s’il n’y a pas un minimum de savoir faire. Jouer contre des garçons qui avaient déjà une bonne base nous a certainement fait progresser plus vite !
En revanche, maintenant que les structures féminines sont de plus en plus performantes, je ne vois pas le problème de directement commencer entre filles, surtout qu’on arrêtait vite d’être confrontée aux garçons à cause de la différence de niveau qui se creuse rapidement.

Aujourd’hui, une fille qui s’inscrit au foot a plus de possibilités de clubs où s’inscrire pour jouer entre filles. Quelle est pour toi la prochaine étape que doit franchir le développement du football féminin de base ?

La prochaine étape selon moi ce sera de fournir aux filles les mêmes infrastructures qu’on fournit aux garçons. Rien de tel qu’un bon environnement pour développer de bonnes performances. Et qui dit bonne performance dit médiatisation, qui dit médiatisation dit financement, campagne publicitaire etc. C’est grâce à tous ces outils que le football féminin pourra espérer être l’égal du football masculin ! À mon avis, il faut juste arrêter de se trouver des excuses pour justifier la différence homme-femme au niveau du sport, et plutôt s’axer sur les solutions pour réduire cet écart.

Comment est-ce que tu résumerais ton style de jeu ?

Je peux surtout dire ce qu’il n’est pas : je n’ai aucune technique de dribble. J’ai plutôt une âme défensive et je vais généralement tenter de jouer simplement sans trop garder mon ballon, pour progresser vite vers l’avant. Mais rien ne m’empêche de tenter une pressée si l’occasion se présente ou encore d’aller mettre la tête sur corner. Je joue là où on me demande de jouer.

D’après tes mots, tu as eu l’air surprise de jouer en LNB. Qu’est-ce que ça t’a fait le jour où tu as joué ton premier match de LNA ?

On pourrait se dire qu’entre LNB et LNA, la différence n’est pas grande, mais c’est faux ! On joue direct contre les plus grosses pointures de Suisse, certaines sont en équipe nationale ou ont eu de l’expérience à l’étranger. Le rythme est beaucoup plus soutenu. Donc il faut y aller deux fois plus fort, mais le plus gros est dans la tête au final, il faut juste se faire confiance pour le premier toucher de ballon et la suite s’enchaîne toute seule.

Contre Lugano, tu as signé ton retour dans le groupe après une grosse blessure. Combien de temps es-tu restée éloignée des terrains ?

Je me suis blessée le 13 avril et j’ai été opérée un mois plus tard. J’ai pu reprendre les entraînements après 8 mois, quant aux match j’ai dû attendre 9 mois. 

Après tout ce temps, qu’est-ce que ça fait de revenir ?

J’ai été tellement contente de voir mon nom sur la feuille de match ! À vrai dire, c’est Léo [Fleury] qui m’a direct envoyé un message pour me féliciter avant même que je n’ouvre la convocation. Je n’en croyais pas mes yeux. [Rire]
Et puis c’est une joie mélangée à beaucoup de stress, car même si tu ne rentres pas sur le terrain, tu dois te préparer à être en forme au cas où le coach te demande d’aller t’échauffer pour remplacer une coéquipière. Et quand ça fait autant de temps que tu n’as pas mis les pieds sur un terrain, ça fait d’autant plus peur, car l’équipe n’est plus la même, le système de jeu non plus et puis, on ne va pas se mentir, il y a encore beaucoup à travailler pour retrouver mon niveau d’avant, voire un niveau encore plus élevé. Avec une telle blessure, on perd tout d’un coup, le toucher de ballon, le cardio, la coordination… [Rire] Déjà que je manquais de coordination avant, après les croisés n’en parlons même pas !
Heureusement, j’ai une bonne équipe qui me soutient, que ce soient mes physios, les coachs et même mes coéquipières, sans oublier mes proches bien évidement ! Ça aide beaucoup.

Quel était le moment le plus difficile de ces 9 mois ?

Je pense que chaque étape a sa propre difficulté, dans le sens où, au début, tu ne vois pas le bout, car les progrès sont très lents, tu n’as pas beaucoup de mouvements autorisés et, ajouté à ça, tu as les douleurs. Plus le temps passe plus tu fais des exercices intéressants, mais tu ne vois pas la fin. Et finalement, quand tu arrives au bout de ta convalescence, tu penses être en forme, que tu pourras direct remettre les crampons et faire les matchs, mais, au final, ce n’est qu’une impression, car ton genou est encore fragile pour le contact, et c’est frustrant ! Je n’ai pas encore eu l’occasion de faire une rentrée en championnat, mais, là aussi, ce sera une grosse étape à franchir, car il ne faut pas se louper si on veut continuer sur notre lancée.

Outre ta blessure, tu es récemment venue à bout de tes études. Tu peux nous parler un peu de ça ?

Oui, j’ai obtenu mon Master en psychologie en septembre dernier ! J’ai eu une formation qui me permet de travailler dans différents domaines tels que la promotion et prévention de la santé ou encore la protection de l’environnement. Là, je commence une formation de psychologie d’urgence qui me permettra par la suite d’intervenir en tant que premier soutien psychologique lors d’événement pouvant aller d’un accident de la route à un attentat.
J’aimerais également me former à la psychologie du sport, car c’est un domaine qui devient de plus en plus important dans tous les sports et c’est ce qui fait sans doute la différence entre un bon et un très bon sportif. Bref, je suis toujours à la recherche d’un job, mais j’ai l’avantage d’être intéressée par toutes sortes de domaines !

Dans quel contexte est-ce que la psychologie du sport intervient ? 

La psychologie du sport touche plusieurs choses. On peut travailler sur la concentration, la motivation ou encore la gestion du stress. Tu peux travailler avec le sportif à n’importe quel moment, que ce soit en pleine saison, s’il a un coup de mou et qu’il faut le remotiver, ou à son retour de blessure, pour lui donner confiance, mais tu peux aussi travailler avec un sportif performant pour faire perdurer son top niveau.

D’un point de vue psychologique, dans quelle mesure est-ce qu’une bonne ambiance d’équipe est importante pour les résultats ?

C’est primordial ! Impossible de jouer correctement ensemble si on ne s’entend pas. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on fait des camps d’entraînement. En plus de s’entraîner intensivement, on veut renforcer cet esprit d’équipe, car on sait qu’on sera d’autant plus performants.

Comment est-ce qu’une diplômée de psychologique expliquerait ça ?

Pour faire simple, je pense qu’une ambiance se caractérise par l’énergie que le groupe dégage. Cette énergie, elle va venir des émotions que les joueuses ressentent. Si on arrive à sélectionner les bonnes émotions et à faire en sorte de les partager au sein du groupe, le tour est joué, rien ne peut nous arrêter. Quand je dis émotions, ça peut être de la joie, à ne pas confondre avec l’euphorie qui, elle, peut être néfaste, ou encore la rage de vaincre, à ne pas confondre avec la colère qui, là encore, est contre-productive.
Et puis, le truc, c’est que les émotions sont très contagieuses, donc il suffit qu’un seul joueur ait un moment de doute ou n’arrive plus à gérer son stress pour que ça déclenche en lui la mauvaise émotion. Et là, paf, toute l’équipe est « contaminée » et le jeu devient difficile.

Est-ce que tu trouves qu’on retrouve tous les éléments nécessaires pour une ambiance productive à Servette ?

Je pense que, outre les compétences techniques de l’équipe qui sont très bonnes, la cohésion de groupe apporte un boost à notre jeu. Si on loupe une passe, on va s’encourager pour pousser la joueuse à ne rien lâcher, récupérer le ballon et faire mieux sur la prochaine action. 
Je pense qu’on a fait de grands progrès au niveau du mental, mais il nous reste une grande marge de progression. C’est positif, car ça veut dire qu’on peut être encore meilleures. À mon sens, on se laisse encore trop dépasser par les situations stressantes, certaines plus que d’autres, et ça c’est dû aux différents niveaux d’expérience. Ce qui est cool, c’est que les « grandes »  de par leur expérience donnent des conseils aux plus jeunes, pour tenter de les calmer et de repartir sur de bonnes bases et aller de l’avant.

Contrairement à certains coachs qui s’enferment parfois dans des grandes théories tactiques et négligent la communication avec leur équipe, Eric Sévérac est très pédagogue. Dans quel mesure est-ce que c’est important pour l’équipe ?

On ne va pas se mentir, entraîner une équipe féminine est complètement différent qu’entraîner une équipe masculine. On est beaucoup plus intellectuelles et ça se reflète rien que dans les explications lors des exercices : il faut que ce soit clair, net et précis. Le fait qu’Eric prenne conscience de cette différence de fonctionnement et l’intègre dans sa manière de coacher est sûrement l’un des ingrédients secrets qui nous ont mené là où on est maintenant. Il n’y a plus qu’à continuer sur cette voie.

 Si tu devais décrire ta personnalité en trois adjectifs, qu’est-ce que tu choisirais ?

C’est difficile ! Je dirais dynamique, directe et sociable.